Retranscription interview vidéo du 23 mars 2023

Pour parler de l’activité physique adaptée dans la maladie de Parkinson et en particulier de son importance, j’aimerai également parler de son inverse, la sédentarité.

La maladie de Parkinson est une maladie chronique et progressive qui est fréquente chez les personnes âgées et augmente progressivement avec l'âge. La prévalence de la maladie chez les plus de 60 ans est d’un peu plus de 1,5 %, mais les chiffres augmentent jusqu’à 4 à 5 % chez les 85 ans et plus.
Mais elle peut également toucher de jeunes patients. On parle de maladie de Parkinson précoce si elle se déclare avant 40 ans, et juvénile si elle débute avant 20 ans1.

En 2004, une étude a constaté que les patients atteints de maladie de Parkinson avaient une activité physique de près de 30 %2 moindre qu’une population du même âge.
En effet, la maladie de Parkinson entraîne des modifications des capacités motrices : de la rigidité, de la lenteur, des tremblements qui peuvent être gênants et socialement difficiles à supporter. Parfois, des troubles de l’équilibre et de la coordination contribuent à la gêne motrice.

On sait également que des symptômes non moteurs peuvent précéder la maladie de Parkinson et l’accompagner. Ainsi, l’anxiété, la dépression parfois, les troubles du sommeil et une fatigabilité, une apathie (c’est-à-dire un manque d’envie) peuvent participer à la diminution de l’activité.
Or, il est démontré que la réduction d’activité physique : la sédentarité, est associée à un risque cardiovasculaire accru, un risque de diabète, une plus grande mortalité…
La sédentarité favorise l’ostéoporose, la dépression, les troubles du sommeil, la constipation et les troubles cognitifs.

Quels sont les bénéfices démontrés de l’activité physique chez les personnes atteintes de maladie de Parkinson ?

Maintenant, regardons en miroir, les bénéfices que l’activité physique adaptée peut apporter.
L'exercice est lié à un risque réduit de développer la maladie de Parkinson, mais, lorsque la maladie est là, l’activité physique adaptée est un moyen de reprendre le contrôle sur les symptômes et de lutter contre la maladie. Pour permettre une activité physique adaptée bénéfique, il faudra prendre en compte les symptômes « moteurs », « non moteurs » et leur fluctuation dans le temps.

L’activité physique adaptée présente plusieurs bénéfices :
- bien sûr, la lutte contre la sarcopénie ou perte de masse musculaire, l’ostéoporose, les maladies cardiovasculaires, certains cancers ;
- mais les bienfaits sont également sur le plan psychologique. L’activité physique adaptée contribue à une meilleure estime de soi, améliore l’humeur, favorise les échanges sociaux si réalisée en groupe, diminue la perception de la douleur.

Dans le cas particulier de la maladie de Parkinson, l’activité physique adaptée permet d’améliorer la souplesse, l’amplitude articulaire, la coordination, l’équilibre, la marche, la posture... Elle agit aussi sur les symptômes non moteurs de la maladie comme la dépression, l’anxiété, les fonctions cognitives, le sommeil, la fatigabilité, les hypotensions orthostatiques, bref… la qualité de vie.

« Les chercheurs identifient de façon de plus en plus précise les mécanismes par lesquels l’activité physique adaptée est bénéfique. »

La maladie de Parkinson évolue de façon inhomogène entre les personnes. Des études suggèrent que l’exercice physique ralentirait sa progression.

Tout cela semble presque magique, mais il n’en est rien. Les chercheurs identifient de façon de plus en plus précise les mécanismes par lesquels l’activité physique adaptée est bénéfique.
Les mécanismes sont variés : la libération de neurotransmetteurs, de facteurs neurotrophiques favorisant la neuroprotection, ainsi que la modification du flux sanguin cérébral et la plasticité cérébrale sont quelques uns des concepts impliqués dans les effets bénéfiques de l’activité physique.

« La plasticité cérébrale, une des découvertes les plus importantes des années 2000 »

Il me semble important de comprendre le concept de plasticité cérébrale, une des découvertes les plus étonnantes des années 2000. C’est la capacité d’adaptation du cerveau. Au cours des apprentissages et des expériences, la structure même du cerveau se modifie, avec la fabrication de nouvelles connexions entre les neurones.

Un exemple éloquent de plasticité cérébrale a été décrit, dans une étude de 2006 (Draganski), chez des sujets qui apprennent à jongler avec trois balles. Après trois mois de pratique, l’imagerie cérébrale montre un épaississement des régions spécialisées dans la vision et la coordination des mouvements des bras et des mains. Mais, si l’entraînement cesse, les zones précédemment épaissies rétrécissent. Ainsi, la plasticité cérébrale se traduit non seulement par la mobilisation accrue de régions du cortex pour assurer une nouvelle fonction, mais aussi par des capacités de réversibilité quand la fonction n’est plus sollicitée. Je ne dis pas qu’il faut apprendre à jongler, sauf si cela vous fait plaisir, mais on entrevoit bien le bénéfice d’une activité régulière dans le temps et qui dure.

Comment cette plasticité est-elle permise par l’activité physique adaptée, quel est le lien ? Il a été démontré que l'exercice réalisé de façon régulière, augmente la libération et la synthèse de plusieurs facteurs neurotrophiques (facteurs qui nourrissent les neurones), liés à la neurogenèse, l’angiogenèse et la plasticité cérébrale, par exemple le BDNF et l'IGF-1 ou encore VEGF .

« L’activité physique adaptée est un très bon neuroprotecteur »

L’activité physique adaptée protège aussi le cerveau en modifiant la synthèse des cytokines anti-inflammatoires, elle diminuerait la neuro-inflammation toxique… C’est donc un très bon neuroprotecteur.

L'exercice augmente également plusieurs neurotransmetteurs, tels que la sérotonine (5-HT), la dopamine (D), l’acétylcholine (ACh) et la noradrénaline ([NA] ou norépinéphrine [NE]),
neurotransmetteurs importants pour la motricité, le bien-être et l’énergie. De plus, l'exercice physique augmente l'activité de certains récepteurs de ces neurotransmetteurs3, permettant à ceux-ci de bien transmettre leurs messages et vous n’êtes pas sans savoir que dans la maladie de Parkinson, il y a une perte des neurones dopaminergiques. L’activité physique adaptée est donc un « traitement » non seulement physique, mais aussi chimique à part entière.

Comment le bénéfice de l’activité physique adaptée se manifeste-t-il dans la vie quotidienne pour les patients ?

Un bénéfice à ne pas oublier est que l’activité physique adaptée peut faire plaisir et procurer une sensation de bien-être. Ces effets positifs de plaisir et de bien-être peuvent être ressentis après quelques séances. Sous l’effet de l’activité physique soutenue, le corps va libérer au bout de 15 à 30 minutes des hormones, comme les endorphines et la dopamine, procurant ainsi un sentiment de bien-être. Ce sont ces hormones qui rendent l'activité physique addictive. C’est ce que je vous souhaite.

Une étude observationnelle4 sur cinq ans a confirmé que des niveaux d'activité physique réguliers et soutenus, lorsqu'ils sont maintenus, sont fortement associés à une détérioration plus lente de plusieurs paramètres cliniques chez les patients atteints de la maladie de Parkinson, quel que soit le stade. Pour résumer, une activité physique adaptée quel que soit le stade de la maladie permet d’être mieux, plus longtemps.

De façon intéressante et assez intuitive finalement, cette étude constate que différents types d'activités peuvent avoir des effets différents. Ainsi, les exercices physiques peuvent être associés à une moindre détérioration de la stabilité posturale et de la marche, la poursuite d’une activité professionnelle est associée à un déclin cognitif plus lent, une vitesse de traitement des informations plus rapide et la pratique d’activités domestiques est associée à un déclin plus lent des capacités d’agir au quotidien ce qui démontre que chaque activité compte, même les tâches ménagères.

Ces données sont cohérentes avec une méta-analyse qui précise que différents exercices spécifiques peuvent avoir différents effets plus précisément sur les symptômes moteurs et non moteurs.

Cela semble logique, les activités nécessitant de l'équilibre telles que la danse, l'escrime et l'aérobic sont associées à un déclin plus lent des fonctions de posture et de marche. Les activités nécessitant de la coordination vont modifier cette fonction, les exercices d’étirements amélioreront la souplesse… Il apparait ici qu’il est important d’associer différents types d’activité.

L’entraînement aérobie ou d’endurance, c’est-à-dire l’activité peu intense mais prolongée, semble être cruciale pour améliorer la fonction motrice globale.

Un aspect encourageant de ces études est que les symptômes réfractaires aux médicaments tels que l'instabilité posturale, les troubles de la marche et la cognition pourraient être particulièrement sensibles à l'effet positif des niveaux modérés à élevés d'activité physique régulière.

Il apparait donc qu’à chaque stade de la maladie, l’activité physique adaptée est importante pour le bien-être et le bien devenir. Si pour une raison ou une autre, il existe une impossibilité de se tenir debout, une activité peut être pratiquée assis ou couché, ne serait-ce que des étirements et des mouvements d’entretien musculaire.

Des conseils individualisés sur l'activité physique régulière à maintenir doivent être prodigués en fonction des préférences et des possibilités de chacun. Afin de profiter de l’effet modificateur de l’activité physique adaptée : intégrer cette activité à son quotidien, de façon régulière est fondamental pour avoir ce bénéfice au long cours.

 

  1. de Lau LM, Giesbergen PC, de Rijk MC, Hofman A, Koudstaal PJ, Breteler MM. Incidence of parkinsonism and Parkinson disease in a general population: the Rotterdam Study. Neurology. 2004 Oct 12;63(7):1240-4. doi: 10.1212/01.wnl.0000140706.52798.be. PMID: 15477545.
  2. Bloem BR, Hausdorff JM, Visser JE, Giladi N. Falls and freezing of gait in Parkinson's disease: a review of two interconnected, episodic phenomena. Mov Disord. 2004 Aug;19(8):871-84. doi: 10.1002/mds.20115. PMID: 15300651.
  3. Sarbadhikari SN, Saha AK. Moderate exercise and chronic stress produce counteractive effects on different areas of the brain by acting through various neurotransmitter receptor subtypes: a hypothesis. Theor Biol Med Model. 2006 Sep 23;3:33. doi: 10.1186/1742-4682-3-33. PMID: 16995950; PMCID: PMC1592480.
  4. Tsukita K, Sakamaki-Tsukita H, Takahashi R. Long-term Effect of Regular Physical Activity and Exercise Habits in Patients With Early Parkinson Disease. Neurology. 2022 Feb 22;98(8):e859-e871. doi: 10.1212/WNL.0000000000013218. Epub 2022 Jan 12. PMID: 35022304; PMCID: PMC8883509.

 

Déclaration d’intérêts :
CB déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.

 

 

 

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